E - Ma carrière professionnelle
Je quitte l'école de Verneuil Sur Avre, située en Normandie le jour même de mes 14 ans, le 11 mars 1957, sans même attendre l'examen du certificat d'études. Mon père me place chez un copain de bistro, Monsieur Deleste, pour travailler dans la boucherie. A cette époque, les bouchers achetaient les bêtes dans les fermes et passaient par l'abattoir pour les tuer. On ne peut pas dire que ce travail me plaisait vraiment ! Tuer les vaches, les moutons ou les veaux, ce n'était pas vraiment ma tasse de thé ! Il fallait quand même le faire !
Mon travail était surtout à la boutique, de retirer les poils sur les têtes ou les pieds de veaux. Pour cela il fallait les tremper dans l'eau bouillante et gratter avec un couteau sans entamer la peau bien sûr. J'avais des poils partout sur moi ! Mon boulot était aussi de livrer les commandes à vélo, dans les petits hameaux proches de Verneuil sur Avre. Jusqu'à 7 kilomètres quand même !
Je me souviens qu'un jour sur le trajet, mon vélo a crevé. En plus la pluie s'est mise à tomber une forte averse. Lorsque je suis arrivé chez le client, la viande dans le panier en osier, était toute trempée. Les clients très gentils, m'ont apporté des serviettes pour que je puisse m'essuyer et ils m'ont même aidé à réparer ma roue crevée.
A la boutique, il y avait sur le comptoir une petite boîte où les clients pouvaient mettre un pourboire normalement pour moi, puisque c'étaient mes pourboires. C'est mon patron qui les récupérait pour aller au bistrot du coin normal non ! C'est un pourboire ! Moi, je n'avais que les pourboires lorsque je livrais. Je n'avais presque pas de salaire, environ 20 francs par mois, juste pour me payer le dimanche le cinéma. Je mangeais avec la famille le midi et le soir, mon patron me donnait juste un bifteck pour moi ! Je ne suis resté que 6 mois, car lorsque mon père a appris que mon patron gardait pour lui mes pourboires, il m'a retiré de chez son copain de bistro ! En plus je n'étais même pas déclaré comme apprenti chez lui.
Mon père me trimbalait partout avec lui pour l'aider. Je me souviens qu'il avait du travail pour la construction d'une maison dans la région de Versailles ! La charpente et tout ce qui et menuiserie, parquet, fenêtres, nous sommes partis tous les deux une semaine et on dormait dans un hôtel ! Enfin, c'était un grand dortoir une dizaine de lits pleins de puces, les toilettes à la turc sur le palier, une seule douche pour tous et bien sûr que de l'eau froide ! Il fallait bien faire avec, c'était mieux que coucher à la belle étoile !
Je suis entré ensuite pour travailler chez un couple Mr et Mme Dallier marchands de chaussures uniquement sur les marchés. Le couple faisait chacun un marché différent : le patron avec un vendeur, la patronne avec un chauffeur pour le camion qui bien sûr vendait aussi les chaussures. Ma patronne était très gentille, le couple n'avait pas d'enfants et elle prenait soin de moi. Un jour en plein hiver il faisait très très froid, presque pas de clients sur le marché, elle m'avait acheté un gilet en peau de mouton, fait cadeau d'une paire de chaussures bien chaudes, et en plus acheté un duffelcoat.
Un jour, en revenant du marché de L'Aigle, une épaisse fumée noire sur la route du retour. C'était l'incendie de la menuiserie de mon père. Quelque temps après, le chauffeur à cessé ce travail car il voulait à son compte devenir forain, ouvrir une baraque sur les fêtes. Ils n'avaient donc plus besoin de moi, puisqu'ils ne faisaient plus qu'un seul marché par jour.
Je suis entré ensuite pour travailler dans une exploitation forestière chez Monsieur Wirtz, comme apprenti plus exactement dans une scierie. Mon patron était très gentil, je suis resté jusqu'à notre départ de la Normandie. La scierie était proche de chez moi. Je pouvais revenir manger le midi à la maison. Mon patron achetait son bois en Normandie, et souvent, au moment de la coupe, une gerbe d'étincelles giclait du ruban, c 'était des éclats d'obus dans les arbres.
De temps en temps, le fermier, proche de la scierie, venait nous chercher pour l'aider à faire sortir le veau de la vache qui avait du mal à vêler.
En quittant la Normandie en 1960, mon patron m'a fait un Certificat de Travail. Il m' a recommandé à son gendre, chef d' atelier dans une usine de 300 personnes à Levallois-Perret, rue Danton : les Etablissements Repusseau pour la fabrication d'amortisseurs. Je ne suis plus apprenti. Me voici vraiment dans le monde du travail. 9h30 par jour, debout devant une machine, comme ouvrier-spécialisé, payé aux pièces.
Le midi, une coupure pour le repas, une cantine extra, pas cher, avec le plat principal à volonté. Un copain black très grand, costaud allait toujours chercher du rab , et il ramenait toujours une assiette pour moi. Il travaillait proche de moi et pouvait soulever d'énormes pièces en fonte dans chaque main, alors que moi je n'en prenais qu'une seule avec les deux mains. Il a quitté pour devenir conducteur de métro et un jour que j'attendais le métro, il m'a reconnu et m'a fait monter avec lui dans la cabine pour discuter.
A l'usine j' ai fait plusieurs boulots : du tour, du perçage, du meulage, du rôdage. Pour mieux gagner il fallait faire plus de pièces que l'on nous demandait. Avant de quitter l'usine je travaillais seul dans une pièce où je m'occupais de 4 machines. Machine à rectifier les pièces, dès qu'une s'arrêtait, je devais retirer les pièces dessus et en placer d'autres à usiner.
J'ai quitté l'usine pour rejoindre un copain qui bossait dans la représentation en assurance Vie à Paris. La maison Le Travail Vie" était située à Paris, rue de Clichy. Mon secteur était Argenteuil, plus précisément, le Val d'Argenteuil où j'habite désormais. Il fallait sonner aux portes pour pouvoir placer notre assurance. Je dois dire que je n'ai pas fait beaucoup de contrats. J'ai vite dépensé l'argent que j'avais de côté, car je n'étais payé qu'à la commission.
A 19 ans, je laisse tomber le costume-cravate et entre dans une boîte Sirco-France, proche de l'Hôtel de Ville, rue du Bourg-Thibourg, pour faire du tirage de plans. Bonne boîte, très bonne ambiance. C'est à ce moment que je fais la connaissance d'Eliane, toujours une très bonne copine. Nous avons le même âge 19 ans, mais elle est mariée et a une petite fille Eve. Lorsque nous nous sortons ensemble le midi, beaucoup de personnes pensent que nous somme un couple. Moi je travaille au tirage des plans et elle est derrière ma machine pour la découpe et le pliage. Cette copine a ensuite eu un garçon Brice. Malheureusement, maintenant, son mari et ses deux enfants sont décédés. Dans cette même maison, j'ai aussi fait la connaissance de Georgette la soeur de Jean-Louis qui est devenu par la suite mon très grand copain, malheureusement, décédé lui aussi.
En 1964, il y a une compression du personnel. Comme je suis dans les derniers arrivé, je suis dans les premiers licenciés. Pas de panique, je m'inscris dans une boîte d'intérim chez Eric-Soutout. Je prends tout ce que l'on me propose : Le tirage de plans dans une maison où le développement est fait avec de l'ammoniac. Je ne supporte pas l'odeur et le premier jour je tombe dans les pommes devant tout le monde qui a eu très peur. Chez Sirco-France je travaillais pour le développement des plans avec un révélateur, pas de l'ammoniac. Je ne suis resté qu'une semaine. Ensuite un remplacement comme magasinier, chez Marcel Dasault. Mon travail était de préparer les pièces pour le montage des radars. Une très bonne maison, mais je savais que ce n'était que du remplacement.
On me propose ensuite un poste d'aide comptable chez Berlier ! J'accepte avec un peu d'appréhension, moi comptable ? Tout se passe bien, mon travail était de déduire la TVA sur toutes les factures. En intérim, j'ai aussi fait d'autres remplacements, mais de très courte durée, juste une semaine.
En décembre 1965, je pars au culot. Un matin, avec mon voisin de Colombes Mr Letort, pour voir si il a du travail où il bosse à Commercial Union où travaillait notre mère lorsqu'elle était jeune fille !
Bonne pêche ! On me garde illico pour décembre 1965 et m'embauche pour les archives. Je signe alors un contrat qui lui prend effet au premier janvier 1966. Je suis resté dans cette compagnie ensuite jusqu'à ma retraite, en changeant plusieurs fois de poste ! : "Archives / Comptabilité aux classement des pièces de caisses / Service des Sinistres, le seul homme dans le bureau avec 14 femmes ! (rigolade quelquefois d'entendre leurs prises de becs), offset pour le tirage des pièces /Service du matériel, avec la gestion des imprimés et des fournitures de bureau. Ensuite le courrier, puis les envois de pièces aux courtiers. Et, même un moment, le standard, les clients étaient un peu surpris d'entendre un homme répondre à un standard ! Enfin je trouve que j'ai toujours eu la chance d'être recasé lorsque mon travail était supprimé ! Je termine en me disant que pour une personne qui n'a même pas son certificat d'étude, j'ai eu une carrière bien remplie !
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